1889
DE L’ENCRE et du caoutchouc
Raymond-Célestin BERGOUGNAN possède un petit atelier à Clermont-Ferrand depuis quelques années quand il fonde à 31ans, en 1889, la société BERGOUGNAN. Il propose tout une gamme d’articles pour les graveurs. Rapidement, il se spécialise dans la fabrication de timbres en caoutchouc (tampons encreurs).
Fin 1889 il invente le « festonneur sans fin », appareil muni d’une roulette automatiquement rechargée en encre pour tracer sur une étoffe des motifs de broderie. Il brevète également un numéroteur. Ces différents produits de l’imprimerie rencontreront un beau succès.
Prospère, l’entreprise évolue en société en nom collectif au nom de BERGOUGNAN et Cie en 1894 au capital de 200 000 francs.
1901
Le gaulois débarque !
En 1898, Michelin invente Bibendum pour incarner sa marque. Raymond BERGOUGNAN, qui est plus un industriel qu’un génie de la communication comme l’étaient les frères Michelin, cherche alors, lui aussi, à incarner sa marque.
En 1900, à Paris, un certain J.W. Perry fonde une petite société et se lance dans le pneumatique, avec un nom de marque fort, «Le Gaulois», représenté par un fort soldat de l’armée de Vercingétorix. Les Établissements BERGOUGNAN, situés à quelques kilomètres seulement du Plateau de Gergovie, célèbre lieu de bataille victorieux pour la Gaule, en ferait bien son étendard !
C’est chose faite en avril 1901, date à laquelle la Société Générale des Établissements BERGOUGNAN & Cie rachète la totalité de la jeune société de J.W. Perry, son fonds de commerce ainsi que son atelier du 6 rue Poisson, qui deviendra un des deux dépôts parisiens de la marque.
« Le Gaulois » devient le nom des pneumatiques haut de gamme au départ, avant de désigner la totalité de la gamme de pneumatiques BERGOUGNAN. L’image du valeureux guerrier s’impose sur tous les documents commerciaux. J.W. Perry, lui, sera employé par la société BERGOUGNAN jusqu’en mars 1903.
En mai 1903, Raymond BERGOUGNAN est promu chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur.
1904
Début de l’ère de la Vulcanisation
Jusqu’alors, les pneumatiques sont fabriqués par collage à froid d’une bande de roulement en caoutchouc (appelée chape) sur des bandes de toile qui constituent la carcasse du pneumatique. Cette méthode de fabrication possède deux gros inconvénients. Premièrement, la toile qui reste exposée à l’intérieur du pneumatique retient l’humidité, elle pourrit et se détériore rapidement. Et deuxièmement, la chape qui est étirée avant d’être collée sur la carcasse se trouve alors constituée de caoutchouc en tension. Il en résulte, qu’en cas de coupure, aussi infime soit elle, la chape s’ouvre, exposant ainsi la carcasse de toile à l’environnement extérieur et les crevaisons sont fréquentes. Cette méthode, simple et peu couteuse dans sa réalisation est employée par une multitude de petites manufactures.
En revanche, dans le cas de la réalisation d’une enveloppe vulcanisée moulée, la carcasse de toile est emprisonnée entre différentes couches de caoutchouc qui fusionnent entre elles lors de la vulcanisation qui s’opère sous des presses hydrauliques très puissantes et à haute température. En plus d’avoir rendu la toile impénétrable et imputrescible, on obtient aussi plus de liberté de forme dans la réalisation du pneumatique. C’est ainsi qu’apparait une grande évolution, lorsque l’on se met à mouler les pneumatiques dans une forme plus « écrasée » que celle obtenue après gonflage. Une fois gonflé, l’extérieur de la bande de roulement se trouve alors constitué de caoutchouc en compression et plus en tension comme dans le cas d’une enveloppe collée. La moindre entaille se referme alors instantanément sur elle-même et ne peut plus s’agrandir seul comme dans l’ancienne méthode de fabrication.
Ce procédé de fabrication, éminemment supérieur en qualité, exige un outillage perfectionné et couteux, ainsi qu’un savoir faire que peu de manufacturiers vont être capable d’acquérir. C’est pourquoi la plupart des petits fabricants de pneumatiques du 19e siècle vont tour à tour disparaitre, ne laissant place qu’aux très gros industriels.
Le capital est augmenté à 2 200 000 F en 1902 puis 4 000 000 F en 1904.
1906
BERGOUGNAN leader du bandage poids lourd
Si l’automobile a presque immédiatement abandonné les bandages plein caoutchouc pour le pneumatique, les premiers véhicules industriels privilégient le bandage plein en raison de leur poids élevé.
La Compagnie Générale des Omnibus (CGO) de Paris développe son réseau d’autobus à partir de 1906. Grâce à ses nombreuses victoires dans les différents Concours de Véhicules Industriels, BERGOUGNAN remporte le marché exclusif pour la fourniture en bandages de la CGO. Ces autobus, qui sont les véhicules les plus roulants apportent aux bandages BERGOUGNAN une réputation hors-norme en termes de qualité et longévité. Certains bandages parcourent jusqu’à 60 000 km avant d’être remplacés !
Sensible à toutes ces qualités, le Ministère de la Guerre choisit également les bandages BERGOUGNAN pour la quasi-totalité de ses véhicules.
Le capital est augmenté à 13 000 000 F en 1910, puis à 16 250 000 F en 1913. Après cette dernière augmentation, les Établissements BERGOUGNAN couvrent désormais une superficie de 100 000 m², emploient 2 500 ouvriers et utilisent une force de 6 000 chevaux vapeur.
1920 – 1940
L’apogée
Après la Guerre, les Établissements BERGOUGNAN se doivent d’adapter leur production. Fini les bandages pour l’armée en quantité pharaonique. Une partie de la production se recentre sur les petits produits caoutchouc du quotidien : tuyau, tapis, talons et autres semelles de chaussures…
L’industrie automobile va reprendre son développement et permettre aux Établissements BERGOUGNAN de continuer leur croissance. Au début des années 1930, l’accroissement des vitesses des poids lourds leur font abandonner petit à petit le bandage plein pour le pneumatique qui, au fil des recherches, a su s’adapter aux fortes charges. Avec l’aide de l’industriel américain Seiberling, en avance dans ce domaine, BERGOUGNAN s’adapte et fait évoluer sa gamme et son outil de production. Grâce à leurs nouveaux pneumatiques pour poids lourds, BERGOUGNAN va conserver son leadership dans ce secteur.
Avec la mécanisation du monde agricole, BERGOUGNAN propose une gamme de produits pour ce domaine. Plus surprenant, la société propose aussi une gamme de pneumatiques pour l’aviation en plein développement qui va rencontrer un grand succès !
La société continue sa croissance. Le capital est augmenté à 50 000 000 F en 1920, 75 000 000 F en 1924, puis 100 000 000 F en 1929. En 1933, l’usine couvrent une superficie de 170 000 m², emploient 3 000 ouvriers et utilisent une force de 8 000 chevaux vapeur.
A la veille de la Seconde Guerre Mondiale, les produits BERGOUGNAN s’exportent dans le monde entier. La société est devenue un des plus grands organismes industriels de France.
1945 – 1958
Une trop faible croissance dans un monde qui s’accélère
Après-guerre, les besoins en produit en caoutchoucs manufacturés continuent d’augmenter, et BERGOUGNAN continue sa croissance. Si la gamme de produits évolue peu, ils permettent toujours à l’entreprise de dégager un bon bénéfice.
Le capital se voit augmenter à 200 millions en 1948, 400 millions en 1949, 500 millions en 1950 puis 1 milliards en 1956.
L’entreprise innove peu et investit moins dans son outil de production que ses concurrents. Il en résulte que la part de marché de la société diminue. BERGOUGNAN qui possède un fort réseau, une implantation forte au travers de nombreux pays devient une «proie» pour ses concurrents qui cherchent à conquérir de nouveaux marchés.
1958 – 1987
Un marché mondialisé qui favorise les regroupements et mène BERGOUGNAN lentement vers la disparition
Les résultats financiers sont encore bons pour les Établissements BERGOUGNAN, quand, à la fin de 1958, Michelin et BERGOUGNAN se rapprochent et concluent des accords pour «aborder le Marché Commun dans de meilleur conditions». La Société des Procédés Industriels Modernes (S.P.I.M) est créée par Michelin qui en détient 55 % ; 3 % sont réservés à BERGOUGNAN ; le reste provient d’une banque privée française.
En juin 1959, le capital de BERGOUGNAN est porté à 2 milliards par émission d’actions réservées à la S.P.I.M. Michelin débute, progressivement, sa prise de contrôle de BERGOUGNAN.
En 1966, Michelin qui a acquis une majorité dans Kléber-Colombes, fait reprendre la quasi-totalité de BERGOUGNAN et 40 % de la filiale belge par Kléber-Colombes.
En 1987, Kléber-Colombes devenu Kléber, cède BERGOUGNAN et ses usines au groupe suédois Trelleborg. La multinationale Trelleborg n’ayant que peu d’intérêt pour le nom « BERGOUGNAN » finira logiquement par l’abandonner, en 2018, au profit de sa marque.